Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/540

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pour les monarchies, mais pour le gouvernement de plusieurs.

En un mot, une plus grande certitude de sa prospérité, que l’on croit avoir dans ces états, fait tout entreprendre ; &, parce qu’on croit être sûr de ce que l’on a acquis, on ose l’exposer pour acquérir davantage ; on ne court de risque que sur les moyens d’acquérir : or, les hommes esperent beaucoup de leur fortune.

Je ne veux pas dire qu’il y ait aucune monarchie qui soit totalement exclue du commerce d’économie ; mais elle y est moins portée par sa nature. Je ne veux pas dire que les républiques que nous connoissons soient entiérement privées du commerce de luxe ; mais il a moins de rapport à leur constitution.

Quant à l’état despotique, il est inutile d’en parler. Regle générale : dans une nation qui est dans la servitude, on travaille plus à conserver qu’à acquérir ; dans une nation libre, on travaille plus à acquérir qu’à conserver.


CHAPITRE V.

Des peuples qui ont fait le commerce d’économie.


MARSEILLE, retraite nécessaire au milieu d’une mer orageuse ; Marseille, ce lieu où tous les vents, les bancs de la mer, la disposition des côtes ordonnent de toucher, fut fréquentée par les gens de mer. La stérilité[1] de son territoire détermina ses citoyens au commerce d’économie. Il fallut qu’ils fussent laborieux, pour suppléer à la nature qui se refusoit ; qu’ils fussent justes, pour vivre parmi les nations barbares qui devoient faire leur prospérité ; qu’ils fussent modérés, pour que leur gouvernement fût toujours tranquille ; enfin, qu’ils eussent des mœurs frugales, pour qu’ils pussent toujours


  1. Justin, liv. XLIII, chap. III.