Aller au contenu

Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si l’on suppose que la quantité de l’argent d’un état double, il faudra, pour une macute, le double de l’argent : mais si, en doublant l’argent, vous doublez aussi les macutes, la proportion restera telle qu’elle étoit avant l’un & l’autre doublement.

Si, depuis la découverte des Indes, l’or & l’argent ont augmenté en Europe à raison d’un à vingt, le prix des denrées & marchandises auroit dû monter en raison d’un à vingt : mais si, d’un autre côté, le nombre des marchandises a augmenté comme un à deux, il faudra que le prix de ces marchandises & denrées ait haussé, d’un côté, à raison d’un à vingt, & qu’il ait baissé en raison d’un à deux ; & qu’il ne soit, par conséquent, qu’en raison d’un à dix.

La quantité des marchandises & denrées croît par une augmentation de commerce ; l’augmentation de commerce, par une augmentation d’argent qui arrive successivement ; & par de nouvelles communications avec de nouvelles terres & de nouvelles mers, qui nous donnent de nouvelles denrées & de nouvelles marchandises.


CHAPITRE IX.

De la rareté relative de l’or & de l’argent.


OUTRE l’abondance & la rareté positive de l’or & de l’argent, il y a encore une abondance & une rareté relative d’un de ces métaux l’autre.

L’avarice garde l’or & l’argent ; parce que, comme elle ne veut point consommer, elle aime des signes qui ne se détruisent point. Elle aime mieux garder l’or que l’argent ; parce qu’elle craint toujours de perdre, & qu’elle peut mieux cacher ce qui est en plus petit volume. L’or disparoît donc quand l’argent est commun, parce que chacun en a pour le cacher ; il reparoît quand l’argent est rare, parce qu’on est obligé de le retirer de ses retraites.