Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

"Si la loi du pays, dit Aristote[1] défend d’exposer les enfans, il faudra borner le nombre de ceux que chacun doit engendrer." Si l’on a des enfans au-delà du nombre défini par la loi, il conseille[2]} de faire avorter la femme, avant que le fœtus ait vie.

Le moyen infâme qu’employoient les Crétois, pour prévenir le trop gros nombre d’enfans, est rapporté par Aristote ; & j’ai senti la pudeur effrayée, quand j’ai voulu le rapporter.

Il y a des lieux, dit encore Aristote[3], où la loi fait citoyens les étrangers, ou les batards, ou ceux qui sont seulement nés d’une mère citoyenne : mais, dès qu’ils ont assez de peuple, ils ne le sont plus. Les sauvages du Canada font brûler leurs prlsonniers : mais, lorsqu’ils ont des cabanes vuides à leur donner, ils les reconnoissent de leur nation.

Le chevalier Petty a supposé, dans ses calculs, qu’un homme, en Angleterre, vaut ce qu’on le vendroit à Alger[4]. Cela ne peut être bon que pour l’Angleterre : il y a des pays où un homme ne vaut rien ; il y en a où il vaut moins que rien.


CHAPITRE XVIII.

De l’état des peuples avant les Romains.


L’ITALIE, la Sicile, l’Asie mineure, l’Espagne, la Gaule, la Germanie, étoient, à peu près, comme la Grece, pleines de petits peuples, & regorgeoient d’habitans : l’on n’y avoit pas besoin de loix pour en augmenter le nombre.

  1. Polit, liv. VII, ch. XVI.
  2. Ibid.
  3. Polit. liv. III, chap. III.
  4. Soixante livres sterlings.