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CHAPITRE XIX.

Dépopulation de l’univers.


TOUTES ces petites républiques furent englouties dans une grande, & l’on vit insensiblement l’univers se dépeupler : il n’y a qu’à voir ce qu’étoient l’Italie & la Grece, avant & après les victoires des Romains.

"On me demandera, dit Tite Live[1], où les Volsques ont pu trouver assez de soldats pour faire la guerre, après avoir été si souvent vaincus. Il falloit qu’il y eût un peuple infini dans ces contrées, qui ne seroient aujourd’hui qu’un désert, sans quelques soldats & quelques esclaves Romains."

"Les oracles ont cessé, dit Plutarque[2], parce que les lieux où ils parloient sont détruits ; à peine trouveroit-on aujourd’hui dans la Grèce trois mille hommes de guerre."

"Je ne décrirai point, dit Strabon[3], l’Epire & les lieux circonvoisins, parce que ces pays sont entiérement déserts. Cette dépopulation, qui a commencé depuis long-temps, continue tous les jours ; de sorte que les soldats Romains ont leur camp dans les maisons abandonnées." Il trouve la cause de ceci dans Polybe qui dit, que Paul Emile, après sa victoire, détruisit soixante-dix villes de l’Epire, & en emmena cent cinquante mille esclaves.


  1. Liv. VI.
  2. Œuvres morales, des oracles qui ont cessé.
  3. Liv. VII, page 496.