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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/89

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lative : de-là l’éloignement pour les soins & les embarras d’une famille. La religion chrétienne, venant après la philosophie, fixa, pour ainsi dire, des idées que celle-ci n’avoit fait que préparer.

Le christianisme donna son caractere à la jurisprudence ; car l’empire a toujours du rapport avec le sacerdoce. On peut voir le code Théodosien, qui n’est qu’une compilation des ordonnances des empereurs chrétiens.

Un panégyriste de Constantin dit à cet empereur : "Vos loix n’ont été faites que pour corriger les vices, & régler les mœurs : vous avez ôté l’artifice des anciennes loix, qui sembloient n’avoir d’autres vues que de tendre des pieges à la simplicité[1]."

Il est certain que les changemens de Constantin furent faits, ou sur des idées qui se rapportoient à l’établissement du christianisme, ou sur des idées prises de sa perfection. De ce premier objet, vinrent ces loix qui donnèrent une telle autorité aux évêques, qu’elles ont été le fondement de la jurisdiction ecclésiastique : de-là ces loix qui affoiblirent l’autorité paternelle, en ôtant au père la propriété des biens de ses enfans[2]. Pour étendre une religion nouvelle, il faut ôter l’extrême dépendance des enfans, qui tiennent toujours moins à ce qui est établi.

Les loix faites dans l’objet de la perfection chrétienne furent sur-tout celles par lesquelles il ôta les peines des loix Pappiennes[3]; & en exempta, tant ceux qui n’étoient point mariés, que ceux qui, étant mariés, n’avoient pas d’enfans.

"Ces loix avoient été établies, dit un historien ecclésiastique[4], comme si la multiplication de l’espece humaine pouvoit être un effet de nos soins ; au lieu


  1. Nazaire, in panegyrico Constantini, anno 321.
  2. Voyez la loi I, II & III, au cod. de bonis maternis, maternique generis, &c. ; & la loi unique au même code, de bonis quæ filiis famil. acquiruntur.
  3. Leg. unic. cod. Théod. de infirm. pœn. cœlib. & orbit.
  4. Sozom, pag. 37.