Après ce que je t’ai dit des mœurs de ce pays-ci, tu t’imagines facilement que les François ne s’y piquent guère de constance : ils croient qu’il est aussi ridicule de jurer à une femme qu’on l’aimera toujours, que de soutenir qu’on se portera toujours bien, ou qu’on sera toujours heureux. Quand ils promettent à une femme qu’ils l’aimeront toujours, ils supposent qu’elle, de son côté, leur promet d’être toujours aimable ; et si elle manque à sa parole, ils ne se croient plus engagés à la leur.
LETTRE lvi.
e jeu est très en usage en Europe : c’est un état que d’être joueur ; ce seul titre tient lieu de naissance, de bien, de probité : il met tout homme qui le porte au rang des honnêtes gens, sans examen ; quoiqu’il n’y ait personne qui ne sache qu’en jugeant ainsi, il s’est trompé très souvent : mais on est convenu d’être incorrigible.
Les femmes y sont surtout très-adonnées ; il est vrai qu’elles ne s’y livrent guère dans leur jeunesse que pour favoriser une passion plus chère ; mais, à mesure qu’elles vieillissent, leur passion pour le jeu semble rajeunir ; et cette passion remplit tout le vide des autres.