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où tu devois toujours obéir, pour entrer dans une servitude où tu devois commander. Je pris soin de ton éducation. La sévérité, toujours inséparable des instructions, te fit longtemps ignorer que tu m’étois cher. Tu me l’étois pourtant ; et je te dirai que je t’aimois comme un père aime son fils, si ces noms de père et de fils pouvoient convenir à notre destinée.

Tu vas parcourir les pays habités par les chrétiens, qui n’ont jamais cru. Il est impossible que tu n’y contractes bien des souillures. Comment le Prophète pourroit-il te regarder au milieu de tant de millions de ses ennemis ? Je voudrois que mon maître fît, à son retour, le pèlerinage de la Mecque : vous vous purifieriez tous dans la terre des anges.

Du sérail d’Ispahan, le 10 de la lune de Gemmadi 2, 1711.


LETTRE XVI.

USBEK AU MOLLAK MÉHÉMET ALI,
GARDIEN DES TROIS TOMBEAUX.
À Com.


Pourquoi vis-tu dans les tombeaux, divin mollak ? Tu es bien plus fait pour le séjour des étoiles. Tu te caches sans doute de peur d’obscurcir le soleil : tu n’as point de taches comme cet astre ; mais, comme lui, tu te couvres de nuages.