Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et que nous l’ayons regardé comme un animal immonde ?

Mais comme le cochon remuoit tous les jours ces ordures, il s’éleva une telle puanteur dans l’arche, qu’il ne put lui-même s’empêcher d’éternuer ; et il sortit de son nez un rat, qui alloit rongeant tout ce qui se trouvoit devant lui : ce qui devint si insupportable à Noé, qu’il crut qu’il étoit à propos de consulter Dieu encore. Il lui ordonna de donner au lion un grand coup sur le front, qui éternua aussi, et fit sortir de son nez un chat. Croyez-vous que ces animaux soient encore immondes ? Que vous en semble ?

Quand donc vous n’apercevez pas la raison de l’impureté de certaines choses, c’est que vous en ignorez beaucoup d’autres, et que vous n’avez pas la connoissance de ce qui s’est passé entre Dieu, les anges et les hommes. Vous ne savez pas l’histoire de l’éternité ; vous n’avez point lu les livres qui sont écrits au ciel ; ce qui vous en a été révélé n’est qu’une petite partie de la bibliothèque divine ; et ceux qui, comme nous, en approchent de plus près, tandis qu’ils sont en cette vie, sont encore dans l’obscurité et les ténèbres. Adieu. Mahomet soit dans votre cœur.

À Com, le dernier de la lune de Chahban, 1711.