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affétée composée pour Mlle de Clermont, lui valut, dit-on, un certain nombre d’amies influentes (1725). Aussitôt il se présenta à l’Académie, et fut élu. Fontenelle, directeur, avait déjà écrit son discours et l’avait remis au récipiendaire, lorsque des envieux firent valoir un article des statuts qui interdisait l’admission de membres non résidants. Et puis Montesquieu avait fort malmené l’Académie (LXXIII). L’élection ne fut pas validée. Montesquieu, piqué au vif, vendit sa charge (1726), s’établit à Paris, prit pied chez la marquise de Lambert qui passait pour mener la coterie académique, et attendit.

Ces détails et ceux qui suivent sont habilement groupés par M. Vian, l’un des hommes qui connaissent le mieux Montesquieu, et nous les empruntons à sa curieuse brochure : Montesquieu, sa réception à l’Académie, et la deuxième édition des Lettres persanes (signé L. V. 24 p. grand in-12, Didier, sans date).

Enfin, le 26 octobre 1727, la mort d’un certain Sacy, avocat, nullement parent des Sacy bibliques dont le nom s’est tristement éclipsé sous le second empire, laissa vacante la place si ardemment convoitée. Amis et amies d’entrer en campagne et d’écarter tout concurrent. Patronnée dans le monde par Mme de Lambert, dans l’Académie par l’abbé Mongault, ancien précepteur du duc d’Orléans, la candidature n’est point combattue par le cardinal Fleury qui, dans une réponse ambiguë au directeur, abbé Dubos, rappelle, sans vouloir prendre d’engagement, que le « président » s’est déjà présenté. La réussite semble assurée. Un incident fâcheux remet tout en suspens.

Fleury n’avait pas lu les Lettres persanes ; on les lui fit lire. Le père Tournemine, directeur du journal de Trévoux, trônait à l’hôtel Soubise, dans les salons d’un certain abbé Oliva, bibliothécaire du cardinal de Rohan. Montesquieu avait été présenté à ce cénacle ; puis tout à coup, effarouché par les prétentions de cet encombrant personnage, avait cessé d’y paraître, et cela sans déguiser le motif de sa retraite. Inde iræ. « Un extrait fort fidèle » rapidement composé par le père Tournemine ouvrit les yeux au cardinal. Il paraît que la lettre XXIV (1721 Ire XXII) mit le vieux prêtre de fort méchante humeur ; et je le crois : le roi et le pape y sont traités de grands magiciens qui font croire au peuple, l’un que du papier est de l’argent, l’autre « que trois ne sont qu’un » et que « le pain qu’on mange n’est pas du pain. »

Le jeudi 11 décembre, au moment de procéder au scrutin, on apprend le mécontentement du cardinal. Le cardinal a parlé ; le cardinal vient de dire à l’abbé Bignon, en propres termes : « Le choix que l’Académie veut faire sera désapprouvé de tous