Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/340

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aurions été aimés si un autre n’avoit agi contre nous. On hait un homme qui prend ce que nous croyons nous être dû : en amour, l’on s’imagine que la seule prétention donne un titre légitime1.

5 579* ( 162 2. II, f° 491 ). — Nouveaux Fragments d’une « Histoire de la Jalousiea ». —Je lis quelquefois toute une histoire sans faire la moindre attention aux coups donnés dans les batailles et à l’épaisseur des murs des villes prises ; uniquement attentif à regar

10 der les hommes, mon plaisir est de voir cette longue suite de passions et de fantaisies.

On verra dans l’Histoire de la Jalousie que ce n’est pas toujours la Nature et la Raison qui gouverne (sic) les hommes, mais le pur hasard, et que

i 5 certaines circonstances qui ne paroissent pas d’abord considérables influent tellement sur eux et agissent avec tant de force et d’assiduité, qu’elles peuvent donner un tour d’esprit à toute la nature humaine. Darius ayant fait une loi qui défendoit l’adultère,

20 les Massagètes lui représentèrent qu’ils ne pouvoient y obéir, parce qu’ils avoient coutume de régaler leurs hôtes de leurs femmes. Quelle que fut la force de cette coutume, il est bien certain qu’un Massagète qui aimoit sa femme, et (sic) qu’il prosti

25 tuoit à un étranger, eût été bien fâché qu’elle eût aimé plus cet étranger que lui. Il vouloit bien remplir un devoir extérieur ; mais il souhaitoit sans doute que sa femme se tint purement à la civilité, et

I. Voyez page 483.

a. Voyez ce qui est au tome Ier, page 483.