Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/387

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résoudre à finir ; il se couvroit de reliques contre la mort. Dans les derniers soupirs, il fondoit encore sa puissance : sans espérance pour la vie, il craignoit encore pour son autorité.

Il a été assez heureux pour avoir eu un historien 5 qui a fait honneur à ses vices et les a parés du nom de prudence et de sagesse. Son esprit consistoit surtout à trouver toutes les âmes vénales et à les payer. Il achetoit des places et n’auroit rien donné pour la gloire de les conquérir. Il savoit aussi fort 10 à propos avilir sa dignité. Il excelloit à faire et à défaire les haines et les amitiés. Il n’étoit retenu que par l’adversité. Il n’étoit point de ces princes qui laissent les insinuations aux inférieurs et se maintiennent par leur majesté. Il fit de sa dévotion i5 le premier instrument de sa tyrannie, plus implacable quand il se croyoit plus pieux.

Cromwell avoit un grand esprit ; celui de Louis étoit un tissu de petites fourberies, sans suite et sans but certain. Les deux meilleurs conseils que prit »o Louis (l’un, de (?) brouiller ; l’autre, de laisser agir le duc de Bourgogne) lui furent suggérés, l’un, par Sforce, l’autre, par Comines.

Sforce n’avoit point l’audace des grands criminels ; mais une noirceur qu’ils n’eurent jamais. Ses 25 crimes n’étoient point l’effet de ses passions, mais de ses réflexions, de ses délibérations, de ses pensées habituelles. C’est auprès de cet homme que Louis se proposoit de s’aller consoler, et il s’en fallut peu que le Destin n’unît mieux deux âmes qu’il avoit si 3o bien assorties. Louis le reconnoissoit pour son maître.