Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/468

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vivant dans une religion qui n’avoit point de système, furent tous des monstres, à cinq ou six près, qui, presque tous, durent leur vertu à la philosophie stoïque.

5 Je ne puis souffrir qu’un auteur fameux ait soutenu qu’une religion ne peut être un motif réprimant. Je sais bien qu’elle n’arrête pas toujours un homme dans la fougue des passions. Mais y sommes-nous toujours ? Si elle ne réprime pas toujours des

10 moments, elle réprime, au moins, une vie.

A l’égard de la dévotion des Princes, je les avertis qu’ils doivent s’en méfier extrêmement : car il leur est très aisé de se croire meilleurs qu’ils ne sont en effet. Comme, par un malentendu, la dévotion leur

i5 permet la politique, et la politique, presque tous les vices qu’ils veulent, comme l’avarice, l’orgueil, la soif du bien d’autrui, l’ambition, la vengeance : il ne leur en coûte presque rien pour être dévôts. Au lieu que nous, qui n’avons pas des raisons d’État

20 pour satisfaire nos passions, sommes obligés de le sacrifier presque toutes. D’ailleurs, leur état, l’habitude et les regards de tout le monde demandent qu’ils se composent dans la plupart de leurs actions. Or se tenir dans un temple avec gravité et décence

25 s’appelle, chez la plupart des gens, êlre dévôt.

On demande si un prince doit mettre les affaires de son état entre les mains de son confesseur. Il n’y a rien de si dangereux : car ceux qui ont l’esprit du monde sont entièrement incapables de gouverner

3o sa conscience, et ceux qui n’ont pas cet esprit sont incapables de gouverner son état. Un directeur