Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/469

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est établi pour l’avertir des fautes qu’il fait. Mais comment l’avertira-t-il de celles qu’il lui fera faire ? Le Prince ne s’acquitte pas de ses devoirs, et il empêche l’autre de s’acquitter des siens.

La crainte et la timidité ont toujours des ruses. 5 Les princes superstitieux veulent capituler avec Dieu, pour qu’il damne leur confesseur à leur place. «Je mets cela, disent-ils, sur votre conscience. > Mais Dieu n’a point mis cela sur cette conscience et n’approuve point ces sortes de conventions. 10

Un prince ne doit pas surtout consulter son directeur sur le choix des personnes qu’il doit élever aux dignités ; cela seroit sujet à mille inconvénients : car, comme le choix des uns entraîne nécessairement l’exclusion des autres, et qu’on n’exclut personne 25 sans en donner la raison : il arriverait que chacun seroit jugé dans un tribunal secret, sans avoir un seul moyen de se justifier.

En un mot, de tous ceux qui approchent de la personne du Prince, le confesseur est celui qui doit a0 avoir le plus de crédit, et celui qui en doit avoir le moins.

Je ne crois pas même que le prince doive prendre pour cet emploi une personne attachée à un corps particulier monastique. De cela, il y a de très bonnes a5 raisons ; entre autres, celle-ci : c’est que cela afflige une nation et y met, à certains égards, un esprit de servitude : car, comme celui que le Prince va chercher dans un corps, pour lui donner sa confiance, est respecté à la Cour, ceux qui sont du même corps 3o sont respectés de même à la Ville et dans les pro