Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/476

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De pareilles libéralités, chez les Romains, ont presque toujours affaibli la discipline militaire et renversé la puissance civile.

666* (2oo1. III, f* 296V°).— Je ferai ici une exhor5 tation à tous les hommes en général, de réfléchir sur leur condition et d’en prendre des idées saines. Il n’est pas impossible qu’ils vivent dans un gouvernement heureux sans le sentir : le bonheur politique étant tel que l’on ne le connoît qu’après l’avoir perdu.

10 667* (2oo3. III, f° 297). — Le Prince doit se communiquer aux gens de sa cour, non pas assez pour avilir sa dignité, mais assez pour faire sentir qu’il vit avec des hommes. Que si la grandeur souveraine a des douceurs, elle a aussi des inconvénients, n’y

i5 ayant rien de si triste que d’être toujours dans la foule et de vivre toujours seul. Cet état ne se peut soutenir sans ennui que dans la force et la vivacité des passions. Aussi la plupart des princes deviennent-ils malheureux dans leur vieillesse : le vide de

20 leur âme est inconcevable, et il ne peut être rempli par un cérémonial extérieur, auquel on s’accoutume d’abord. Leur vie semble être toute faite pour la jeunesse, rien ne les préparant à cet âge accablant qui doit la suivre. Tout le monde sait quelle peine il falloit

a5 pour amuser un grand monarque, trois ou quatre heures du jour, sur la fin de sa vie. Pour prévenir cet ennui, les Princes ne doivent pas toujours se faire des courtisans, mais quelquefois des amis. Les bons empereurs romains ne croyoient pas que les