Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
Liv. VI. Chap. V.

qui soumettoit le peuple à la censure de la magistrature qu’il respectoit le plus, & à la sienne même !

Il sera bon de mettre quelque lenteur dans des affaires pareilles, sur-tout du moment que l’accusé sera prisonnier, afin que le peuple puisse se calmer & juger de sang froid.

Dans les états despotiques, le prince peut juger lui-même. Il ne le peut dans les monarchies : la constitution seroit détruite ; les pouvoirs intermédiaires dépendans, anéantis ; on verroit cesser toutes les formalités des jugemens ; la crainte s’empareroit de tous les esprits ; on verroit la pâleur sur tous les visages ; plus de confiance, plus d’honneur, plus d’amour, plus de sureté, plus de monarchie.

Voici d’autres réflexions. Dans les états monarchiques, le prince est la partie qui poursuit les accusés, & les fait punir ou absoudre ; s’il jugeoit lui-même, il seroit le juge & la partie.

Dans ces mêmes états, le prince a souvent des confiscations ; s’il jugeoit les crimes, il seroit encore le juge & la partie.

De plus, il perdroit le plus bel attribut