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De l’esprit des Lois,

de sa souveraineté, qui est celui de faire grace[1] : il seroit insensé qu’il fît & défît ses jugemens : il ne voudroit pas être en contradiction avec lui-même.

Outre que cela confondroit toutes les idées, on ne sauroit si un homme seroit absous ou s’il recevroit sa grace.

Lorsque Louis XIII voulut être juge dans le procès du duc de la Valette[2], & qu’il appella, pour cela, dans son cabinet quelques officiers du parlement & quelques conseillers d’état ; le roi les ayant forcés d’opiner sur le décret de prise de corps, le président de Believre dit : « Qu’il voyoit dans cette affaire une chose étrange, un prince opiner au procès d’un de ses sujets ; que les rois ne s’étoient réservé que les graces, & qu’ils renvoyoient les condamnations vers leurs officiers. Et votre majesté voudroit bien voir sur la sellette un homme devant elle, qui, par son jugement, iroit dans une heure à la mort ! Que la face du prince, qui porte les

  1. Platon ne pense pas que les rois, qui sont, dit-il, prêtres, puissent assister au jugement où l’on condamne à la mort, à l’exil, à la prison.
  2. Voyez la relation du procès fait à M. de duc de la Vallette. Elle est imprimée dans les mémoires de Montresor, tom. II. pag. 62.