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Liv. VI. Chap. V.

graces, ne peut soutenir cela ; que sa vue seule levoit les interdits des églises ; qu’on ne devoit sortir que content de devant le prince. » Lorsqu’on jugea le fond, le même président dit dans son avis : « Cela est un jugement sans exemple, voie contre tous les exemples du passé jusqu’à huy, qu’un Roi de France ait condamné en qualité de juge, par son avis, un gentilhomme à mort[1]. »

Les jugemens rendus par le prince, seroient une source intarissable d’injustices & d’abus ; les courtisans extorqueroient, par leur importunité, ses jugemens. Quelques empereurs Romains eurent la fureur de juger ; nul regnes n’étonnerent plus l’univers par leurs injustices.

« Claude, dit Tacite[2], ayant attiré à lui le jugement des affaires & les fonctions des magistrats, donna occasion à toutes sortes de rapines. » Aussi Néron, parvenant à l’empire après Claude, voulant se concilier les esprits, déclara-t-il : « Qu’il se garderoit bien d’être

  1. Cela fut changé dans la suite. Voyez la même relation.
  2. Annal. liv. XI.