Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
De l’esprit des Lois,

naître ces guerres civiles, qu’on a comparées aux guerres Puniques[1].

Les nations simples, & qui s’attachent elles-mêmes au travail, ont ordinairement plus de douceur pour leurs esclaves, que celles qui y ont renoncé. Les premiers Romains vivoient, travailloient & mangeoient avec leurs esclaves : ils avoient pour eux beaucoup de douceur & d’équité : la plus grande peine qu’ils leur infligeassent, étoit de les faire passer devant leurs voisins avec un morceau de bois fourchu sur le dos. Les mœurs suffisoient pour maintenir la fidélité des esclaves ; il ne falloit point de lois.

Mais lorsque les Romains se furent agrandis, que leurs esclaves ne furent plus les compagnons de leur travail, mais les instruments de leur luxe & de leur orgueil ; comme il n’y avoit point de mœurs, on eut besoin de lois. Il en fallut même de terribles, pour établir la sureté de ces maîtres cruels, qui vivoient au milieu de leurs esclaves, comme au milieu de leurs ennemis.

  1. « La Sicile, dit Florus, plus cruellement dévastée par la guerre civile, que par la guerre Punique », Liv. III.