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Liv. XVII. Chap. V.

qui reste dans le pays, se trouve soumise à un grand maître, qui, despotique dans le midi, veut encore l’être dans le nord ; & avec un pouvoir arbitraire sur les sujets conquis, le prétend encore sur les sujets conquérans. Cela se voit bien aujourd’hui dans ce vaste pays, qu’on appelle la Tartarie Chinoise, que l’empereur gouverne presqu’aussi despotiquement que la Chine même, & qu’il étend tous les jours par ses conquêtes.

On peut voir encore dans l’histoire de la Chine, que les empereurs[1] ont envoyé des colonies Chinoises dans la Tartarie. Ces Chinois sont devenus Tartares, & mortels ennemis de la Chine ; mais cela n’empêche pas qu’ils n’ayent porté dans la Tartarie l’esprit du gouvernement Chinois.

Souvent une partie de la nation Tartare qui a conquis est chassée elle-même ; & elle rapporte dans ses déserts un esprit de servitude qu’elle a acquis dans le climat de l’esclavage. L’histoire de la Chine nous en fournit de grands exemples, & notre histoire ancienne aussi[2].

  1. Comme Ven-ti, cinquieme empereur de la cinquieme dynastie.
  2. Les Scythes conquirent trois fois l’Afie, & en furent trois fois chassés, Justin, liv. II.