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Liv. XIX. Chap. XXVII.

qui la garantît des invasions ; & sa marine seroit supérieure à celle de toutes les autres puissances ; qui, ayant besoin d’employer leurs finances pour la guerre de terre, n’en auroient plus assez pour la guerre de mer.

L’empire de la mer a toujours donné aux peuples qui l’ont possédé, une fierté naturelle ; parce que, se sentant capables d’insulter par-tout, ils croient que leur pouvoir n’a pas plus de bornes que l’océan.

Cette nation pourroit avoir une grande influence dans les affaires de ses voisins. Car, comme elle n’emploieroit pas sa puissance à conquérir, on rechercheroit plus son amitié, & l’on craindroit plus sa haine, que l’inconstance de son gouvernement & son agitation intérieure ne sembleroit le promettre.

Ainsi ce seroit le destin de la puissance exécutrice, d’être presque toujours inquiétée au-dedans, & respectée au-dehors.

S’il arrivoit que cette nation devînt en quelques occasions le centre des négociations de l’Europe, elle y porteroit un peu plus de probité & de bonne foi que les autres, parce que ses ministres