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Liv. XIX. Chap. XXVII.

par ses propres lumieres, ou ses fantaisies ; il arriveroit, ou que chacun auroit beaucoup d’indifférence pour toutes sortes de religions de quelqu’espece qu’elles fussent, moyennant quoi tout le monde seroit porté à embrasser la religion dominante ; ou que l’on seroit zélé pour la religion en général, moyennant quoi les sectes se multiplieroient.

Il ne seroit pas impossible qu’il y eût dans cette nation des gens qui n’auroient point de religion, & qui ne voudroient pas cependant souffrir qu’on les obligeât à changer celle qu’ils auroient s’ils en avoient une : car ils sentiroient d’abord, que la vie & les biens ne sont pas plus à eux que leur maniere de penser ; & que qui veut ravir l’un peut encore mieux ôter l’autre.

Si parmi les différentes religions il y en avoit une à l’établissement de laquelle on eût tenté de parvenir par la voie de l’esclavage, elle y seroit odieuse ; parce que, comme nous jugeons des choses par les liaisons & les accessoires que nous y mettons, celle-ci ne se présenteroit jamais à l’esprit avec l’idée de liberté.

Les lois contre ceux qui professeroient cette religion, ne seroient point sangui-