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De l’esprit des Lois,

CHAPITRE XII.

Rapport de la grandeur des tributs avec la liberté.


Regle générale : on peut lever des tributs plus forts, à proportion de la liberté des sujets ; & l’on est forcé de les modérer, à mesure que la servitude augmente. Cela a toujours été, & cela sera toujours. C’est une regle tirée de la nature, qui ne varie point ; on la trouve par tous les pays, en Angleterre, en Hollande, & dans tous les états où la liberté va se dégradant jusqu’en Turquie. La Suisse semble y déroger, parce qu’on ne paye point de tributs : mais on en fait la raison particuliere, & même elle confirme ce que je dis. Dans ces montagnes stériles, les vivres sont si chers & le pays est si peuplé, qu’un Suisse paye quatre fois plus à la nature, qu’un Turc ne paye au Sultan.

Un peuple dominateur, tel qu’étoient les Athéniens & les Romains, peut s’affranchir de tout impôt, parce qu’il regne sur des nations sujettes. Il ne paye pas pour lors à proportion de sa liberté ;