Page:Montfort - Un cœur vierge.djvu/80

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mandé des cigares, les plus luxueux de l’île : ce sont des demi-londrès. J’en ai offert une douzaine au maire et autant à Toussaint. Ils étaient ravis et reconnaissants, mais un peu scandalisés d’une telle prodigalité.

À la cantine, en même temps que nous, se trouvait un ivrogne. On refusait de le servir. Il insistait. Il répétait d’une voix pâteuse : « M’sieu l’recteur… M’sieu l’recteur… a pas dit… a pas dit… » J’ouvrais de grands yeux. Mais on m’a expliqué : « Ce n’est pas un Houattais, c’est un ouvrier d’Auray, un couvreur. Ceux d’Houat, on ne les rationne pas, ils boivent ce qu’ils veulent, puisqu’ils n’abusent pas. Celui-là il se saoûle, et il fait du potin quand il est saoûl, et il insulte les sœurs. Le recteur a dit qu’on lui serve six sous de goutte le matin, et un litre de vin en mangeant. « J’crois qu’il peut bien se contenter avec ça… » dit le maire en tirant sur sa barbe.