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journée. Ce matin, à déjeuner, même conversation.

Il se reproche de nous avoir séparés ; il proteste qu’il ne croyait pas que notre séparation fût aussi cruelle, qu’il sera le premier à m’envoyer à toi si je ne puis surmonter mon chagrin. Il a vu plusieurs fois mes yeux humides et en a été vivement ému. Ses protestations ont le cachet de la vérité. Oh ! oui, mon Albine tant aimée, je te rejoindrai ! Peu de mois nous sépareront. Je sens trop que ma vie est en toi ; que loin de toi, de mes pauvres enfants, je ne puis exister ; rien ne pourra m’arrêter, comptes-y, aussitôt l’arrivée des individus annoncés par les journaux. Biais toi, ménage ta santé ; que la soigner, la rétablir, soit ton unique objet.

Reste aux eaux de Cheltenham aussi longtemps que tu le pourras. Surtout, prends bien garde de ne t’exposer à aucune tracasserie politique, et reste en Angleterre, sur la terre libre, aussi longtemps que tu le pourras. Que le surcroît de dépense ne t’effraie pas, il vaut mieux dépenser 1,000 louis de plus cette année que de retourner dans tes foyers si tu dois y éprouver le moindre désagrément. Je te ferai passer les 24,000 francs que je reçois ici, à partir du 1er juillet ; c’est convenu avec Bertrand ; il écrira en conséquence à M. Baring[1].

  1. Banquier anglais dont le fils, Francis Baring, devenu troisième lord Ashburton, qui a longtemps résidé a Paris (place Vendôme, 19), épousa Mlle Claire de Bassano. Leur fille, Marie Baring, a épousé le sixième duc de Grafton. — Du C.