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À LA MAISON DE L’ANCÊTRE

désertion des campagnes est un fait universel, que l’on tâche de pallier par le machinisme ; un fait universel puisqu’il a dépassé les bornes des pays et provoqué, depuis l’Europe, un mouvement des peuples vers l’Amérique, où l’on veut recommencer sa vie avec une moindre souffrance et dans la paix de la liberté. On ne diminue pas un mal en tentant de l’expliquer. L’agglomération urbaine que stigmatisait Charmenil, où le luxe des uns voisine avec la misère des autres, où l’homme perd sa personnalité pour s’absorber dans l’industrie centralisée, où le chômage surtout devient endémique et où l’on trouve plus mal l’indépendance, demeure, avec raison, la crainte de ceux que l’avenir tourmente. S’il nous faut une élite, il nous faut à coup sûr une population agricole qui possède la terre et y vive de son travail. Un consul de France nous disait, à son retour de l’Abitibi : « J’ai compris la colonisation de votre pays, et j’ai vu là une des raisons de votre salut ; si vous n’étiez qu’une élite, vous ne survivriez peut-être pas ! »

Cela signifie-t-il que nous devions renoncer à l’industrie et au commerce ? Jean Rivard qui fonde une ville ne le pense pas. Il accueille les artisans, les négociants, les travailleurs ; il organise l’industrie et confie à son frère une perlasserie dans laquelle il demeure intéressé ; il veut que l’on fabrique à Rivardville tout ce dont on a besoin et il songe à l’exportation. N’est-ce pas la doctrine économique de Talon qui s’exprime de nouveau et qui manifeste ainsi son universalité ? Rivard a d’ailleurs une opinion fort nette : « Le Canada peut être un pays