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LE FRONT CONTRE LA VITRE

de la mer sournoise, parmi le bagage bariolé qu’on ne prend même pas la peine d’amasser.

Puis la campagne danoise.

J’en perçois tout de suite l’attrait. Elle est propre de ses prés lavés et si gaie sous le soleil que, en fermant les yeux, je la vois encore rire de ses tons dorés. Elle est humanisée, on le pense bien, depuis le temps que des êtres lui demandent la vie, toute la vie que son exiguïté peut donner.

Ce travail du sol par l’homme m’émeut comme un rite universel, sans parole. Ainsi tout à l’heure, à Copenhague, des musiciens dont j’ignore la nationalité vont, en ce coin du nord si loin de Paris, ressusciter de la musique française par le rythme qui, lui aussi, est universel. La terre humanisée, c’est, à des degrés divers, mais c’est toujours, le même signe d’amour créateur. Nous le savons, au Canada, où elle naît de la forêt vierge. Longtemps, elle demeure une friche aux sillons lamés de bleu. Puis elle s’aplanit sous le flot humain. L’homme poursuit sa tâche par les soins que, chaque jour, il dissémine comme s’il ne se souciait pas de leur accord final. En Europe, il a fini cette tâche : la terre y apparaît comme une toile où le paysan pose, tous les les ans, les couleurs de la moisson.

Rien ne choque. Rien ne dépasse l’ensemble qui s’offre au rapide regard. Les maisons et les fermes sont agréables de lignes ; elles ont du caractère dans une manière de parenté que la courbe, l’arête ou la couleur individualisent. On est resté fidèle aux toits, symphonie dont nous avons perdu le sens, en