Vous toutes qui devrez demain disputer de nos problèmes nationaux ou politiques, qui étudierez les lettres et les arts pour en discourir quelque jour, connaissez les sciences sociales : elles vous apporteront des idées et vous permettront de soutenir vos opinions avec plus d’ampleur et de sûreté. — J’ai dit les lettres et les arts. Avez-vous pris garde que, pour bien juger la littérature contemporaine, l’apprécier pleinement et parfois se prémunir contre elle, il est nécessaire de connaître un tout petit peu d’économie politique ? La littérature devient de plus en plus sociale. Certes, elle le fut il y a longtemps, et Pierre Loti s’amusait autrefois à relever dans le « Temple de la pensée abstraite » cette affirmation de Confucius : « La littérature de l’avenir sera la littérature de la pitié » ; elle le fut au temps des classiques, et un critique célèbre a merveilleusement établi comment et pourquoi ; mais elle l’est plus particulièrement à notre époque, s’exerçant à scruter les questions qui nous troublent, à dévoiler les maux dont nous sommes atteints, et, trop rarement, à nous faire espérer des retours possibles. Partout, à la scène et dans le roman, la question sociale est agitée. C’est une mode ; aussi avez-vous pu remarquer que la plupart des grands critiques littéraires contemporains sont devenus, par métier, des sociologues !