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DES POISSONS


MUTATIONS DE COULEUR CHEZ LES POISSONS


Qu’il nous soit permis de citer quelques faits curieux en rapport avec cette question, avant de donner notre avis au mérite.

« Quand j’étais enfant, dit J. Franklin, au nombre de mes favoris, étaient des vérons que je conservais dans un bassin blanc et que je nourrissais chaque jour avec des vers et des croûtes de pain. Ayant pris un autre de ces poissons, je l’apportai à la maison dans une coquille d’huître, et l’ajoutai à ma collection. L’étranger était d’une couleur plus foncée que mes anciens vérons. Son beau dos rayé de noir le distinguait parmi les autres petits poissons pâles et presque transparents qui occupaient déjà le bassin depuis plusieurs jours.

« Le lendemain matin, quand je portai à mes hôtes la provision de nourriture accoutumée, le véron noir avait disparu : je fis une enquête, mais chacun se défendit d’avoir touché au bassin. Je comptai mes poissons, et je trouvai alors qu’il n’en manquait point. Le nombre étant le même qu’il était la veille, mon nouveau venu, mon noir, ne pouvait avoir sauté hors de l’eau. C’était un vrai mystère, lorsque les expériences remarquables de M. J. Stark vinrent me donner le mot de l’énigme.

« M. Stark avait conservé dans l’eau un certain nombre de vérons ; ayant un jour transporté quelques-uns d’entre eux dans un bassin blanc, avec l’intention de changer l’eau dans un vase de verre où il les tenait d’abord, notre observateur fut frappé d’un fait, c’est que leurs couleurs étaient moins vives que d’habitude. Les taches et les bandes noires étaient aussi beaucoup plus pâles qu’à l’ordinaire. Une réflexion se présente à son esprit : de même que les végétaux blanchissent lorsqu’ils se trouvent abrités de la lumière, ainsi les animaux ne pouvaient-ils point subir, dans certaines conditions, des changements analogues de couleur ?

« Il fit une série d’expériences sur le véron, l’épinoche, la loche et la perche. En plaçant ces poissons dans des vases de différentes couleurs, et en variant la lumière qui tombait sur ces réservoirs, il trouva qu’en effet les couleurs des poissons se montraient susceptibles de grandes modifications. Ce n’est pas tout ! Après que les changements de nuances les plus décidés avaient eu lieu, les couleurs pouvaient aisément, et en un temps très court, être restituées à leur éclat et a leur beauté originelle.