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SOUVENIRS

Sanson me raconte comment, un matin qu’il se trouvait aux Carmes, il apprit qu’on lui confiait la chaire de Notre-Dame.

— Es-tu content, lui dit Mgr Baudrillart ?

— Quoi, c’est fait pour la Sorbonne ?

— Non, réplique Mgr Baudrillart qui, au fond, était opposé à l’idée d’un professorat à la Sorbonne, c’est Notre-Dame.

Il courut annoncer la nouvelle à sa mère, et se mit au travail. Voici, sur ses genoux, le dossier de son premier sermon. Il m’en lit quelques pages. Il part de cette idée : Je suis, avec tout ce qui en découle. « Cette idée, je la tiens, elle est mienne, je l’ai vécue ». Il dicte, puis reprend et corrige sa méditation jaillie de la solitude. Combien de temps déploiera-t-il sur ses auditeurs la lumière de vérité ?

Je revis le Père Sanson, à Paris cette fois, impasse Saint-Eustache, tout près de l’église. Au parloir, des meubles anciens, un Philippe de Champaigne, un beau Christ d’un auteur inconnu, une photographie de Mgr Baudrillart ornée d’une dédicace volontaire.

On atteint l’Oratoire par des escaliers de pierre et d’étroits couloirs. Le père Sanson occupe deux pièces. Dans l’une, il a installé la bibliothèque et la table de travail de son père. De sa chambre, il a vue sur l’église : il l’a choisie pour cela. Un mur tombera lorsqu’on installera le chauffage central et l’on pourra utiliser une ancienne cuisine où, pour l’instant, des revues et quelques bouquins voisinent sur des rayons de fortune. Dans l’ensemble, refuge propice et sympathique qui permet d’oublier, au delà de l’impasse, la façade écarlate d’un marchand de viande.

Ici comme à la campagne l’orateur prépare son