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SOUVENIRS

nos habitudes, nos mœurs et surtout notre langue. Il faut parfois expliquer notre situation, nos réactions françaises, sinon même montrer en quoi nos réclamations ou nos attitudes sont fondées sur des traités ou des textes de loi.

Tout au cours de ce voyage, à la table des grands d’Italie comme à celle de Lloyd George, dans les palais splendides de La Haye ou à l’ombre des vieux hôtels de la rue Saint-Honoré, j’entendis la même question : « Que pensez-vous de Maria Chapdelaine ? » Le succès du livre est immense, et l’on veut savoir s’il traduit bien le Canada français.

Que répondre ? Je sais combien les sentiments sont partagés chez nous : beaucoup de nos compatriotes redoutent l’impression que peut provoquer chez le lecteur français l’évocation que poursuit Louis Hémon d’un pays dur, perdu dans la sauvagerie, peuplé d’êtres simples attachés à la conquête des terres neuves. N’y a-t-il pas au Canada des centres où se déploie le progrès ? Pourquoi borner notre aventure au tourment de la glèbe, comme si nous en étions encore à l’âge du défrichement : comme si nous ne possédions pas, aussi nous, des terres ameublies et des cités lumineuses ? D’autres raisonnent tout autrement et, avec eux, la plupart des Français qui, ayant lu le roman, y ont senti l’exaltation d’une race « qui ne sait pas mourir ».

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Les choses à la Conférence semblaient aller leur train, sauf du côté russe où l’on prévoyait des exigences précises quand éclata la nouvelle de la signature par les Allemands et les représentants des Soviets du fameux Traité de Rapallo. Les