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Page:Montreuil - Les Rêves morts, 1927 (première édition).djvu/32

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Le mourant séculaire allonge sur le roc,
Comme des doigts crispés, ses racines saillantes ;
La gigantesque main enserre un large bloc,
Que les ans ont vêtu de leurs mousses luisantes ;
En un cercle incliné, neuf autres pins géants,
Autour d’un oasis, s’allignent dans la côte ;
Un enclos, enfoui sous les débris croulants
De ce qui fut un mur, conserve côte à côte,
Deux tablettes de marbre, où l’on a par deux fois
Gravé le même nom et la date fatale.
Sur les marbres brisés je me penche, et je vois :
Harriet, onze ans, dix mois.” Seule dans ce dédale,
Au sein des bois ombreux, c’est une enfant qui dort !…
Grands pins, qui la gardez fidèles dans sa tombe,
Dites-moi le secret de ce glorieux sort ;
Un sépulcre de dieu pour une enfant qui tombe,
Fauchée en son matin ! Vous avez vu courir
Cette fillette blonde ou brune, sur la route,
Et vos bons cœurs d’aïeuls doivent s’en souvenir.
Douze ans, elle avait l’âge où de rien l’on ne doute—
Quand, si jeune, on a dû la mettre en son cerceuil,
Que des parents en pleurs, et sans doute une mère,
Des frères, une sœur et des amis en deuil,
Sont venus confier ce trésor à la terre,
Arbres silencieux, n’avez-vous pas pleuré ?
Lorsqu on a sur ton pied posé la tombe blanche,
Tronc rugueux, qu’en passant, elle avait effleuré,
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