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Page:Montreuil - Les Rêves morts, 1927 (première édition).djvu/33

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N’as-tu pas tressailli ?… Vieux chêne, dont la
Au-dessus de ce tertre à jamais délaissé, [branche
Comme un voile étendu, mélancolique penche
Et donne sa fraîcheur au doux rêve passé,
Veux-tu me raconter ce que tu sais de l’ange
Qui sommeille, depuis bientôt quatre-vingts ans ?
Le chêne a répondu : "Je sais qu’elle était belle,
Et combien on l’aimait. Hélas ! depuis longtemps,
Nul ne la connaît plus, mais je me souviens d’elle ;
Son âme auprès de moi revient encore errerJe
suis l’unique ami de la morte oubliéeEt
quand la forêt dort, je l’entends soupirer ; Dans
la brise, sa voix en un souffle est muée : "Parents
qui m’adoriez, dont j’ai senti les pleurs
Mouiller mon blanc linceuil, mes coussins de dentelle,
Et mon lit de parade, orné de mille fleurs,
Qu’êtes-vous devenus ? « … » En vain « ,… murmure » Pour
sauver de l’oubli l’être qui vous fut cher, [t-elle,
Vous avez dans le marbre enchassé sa dépouille !…
Mais le Temps vous défie ; en ce qui fut ma chair,
Au fond de ce tombeau, lentement sa main fouille…
Vers ce tertre isolé, qui n’a plus de chemin,
Nul ne vient plus prier ; si, parfois, quelqu’un passe,
Brisant, en se hâtant, un rameau de sapin,
Il détourne, inquiêt, d’ici sa marche lasse…
Ah ! le marbre a duré plus que le souvenir.
J’ai vu, depuis longtemps, sur les tombes voisines,
L’herbe étouffer les fleurs, les noms s’évanouir,
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