Page:Moréas - Trois Contes, 1921.djvu/31

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d’un chevalier de courir ainsi l’épée à la main sur une femme et de la faire poursuivre par des chiens comme une bête sauvage. Par ma foi, je la défendrai si je puis.

— Octave, lui dit le chevalier, je naquis aussi à Ravenne et je me souviens de toi lorsque tu étais petit garçon. Apprends que j’ai aimé cette femme plus que tu n’aimes maintenant la belle Laura. Elle me fut si inhumaine, qu’un jour je me suis tué de désespoir avec cette épée que tu me vois au poing, et je suis damné pour l’éternité. Celle-ci ne fit que rire de ma mort, mais elle ne tarda guère à quitter à son tour la vie, et à cause de sa cruauté et de son impénitence, elle fut pareillement damnée en enfer.

Depuis, nous avons pour peine commune, elle de fuir devant moi, et moi qui l’ai tant aimée, de la poursuivre comme une mortelle ennemie. Chaque fois que je l’atteins, je la tue avec cette épée dont je me suis percé à cause d’elle, et je l’ouvre par les reins et