Page:Moréas - Trois Contes, 1921.djvu/32

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j’arrache son cœur dur et froid, où jamais n’entrèrent ni amour ni pitié, et je le donne, comme tu verras, à manger à ces chiens. Après, elle se relève comme si elle n’était pas morte, et elle recommence sa douloureuse course, et moi et les chiens à la chasser. Laisse-moi donc exécuter la volonté de la justice divine et ne te mêle pas de m’en empêcher, car c’est une chose impossible.

En entendant cela, Octave, malgré son courage, devint tout effrayé, tellement qu’il n’avait plus un cheveu qui ne fût dressé sur sa tête. Quant au chevalier, il courut l’épée haute sus à la misérable jeune femme qui était à genoux et solidement tenue par les deux chiens. Il lui porta de toute sa force un grand coup qui la perça de part en part. Elle tomba la face contre terre, et lui, pendant qu’elle pleurait et criait, l’ouvrit par les reins et lui arracha, comme il l’avait dit, le cœur qu’il jeta aux chiens, lesquels le mangèrent de grand appétit.