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TRAITE DES NOIRS.

rébellion. Les femmes, moins fortes que les hommes, manifestent leur désespoir différemment : on a vu des mères désespérées par les injustes châtiments que leur faiblesse ne leur permet pas de supporter comme les hommes, arracher leurs enfants du berceau pour les étouffer dans leurs bras, et les immoler avec une fureur mêlée de vengeance et de pitié. Ces mères infortunées étaient animées du désir de soustraire ces innocentes créatures au malheureux sort qui les attend, plus dur mille fois que la mort : l’horreur de ces atrocités ne doit retomber que sur ceux qui les ont provoquées.

C’est dégrader la raison, dit Raynal, que de l’employer à défendre de pareils abus : quiconque justifie un système aussi odieux, mérite du philosophe le plus profond mépris, et du nègre un coup de poignard. Si vous portez votre main sur moi, je me tue, disait Clarisse à Lovelace ; et moi, ajoute Raynal, je dirai à celui qui attenterait à ma liberté : si tu approches, je te poignarde, et je raisonnerai mieux que Clarisse, parce que défendre ma liberté, ou, ce qui est la même chose, ma vie, est mon premier devoir ; respecter celle d’autrui, n’est que le second : d’ailleurs, toutes choses égales, la mort d’un coupable est plus conforme à la