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TRAITE DES NOIRS.

J’ai connu une dame, dans une colonie, qui s’est procuré maintes fois ce divertissement auquel elle invitait des dames ses amies, Lorsque le malheureux fugitif, atteint par les chiens, blessé et réduit aux abois, implorait la compassion et la miséricorde de ceux qui le poursuivaient, on se riait de ses souffrances, on insultait à son malheur : ensuite on lui coupait la tête qu’on portait au chef-lieu, afin de recevoir la prime accordée pour l’arrestation des noirs marrons.

J’ai connu des hommes qui ont fait métier de se livrer à un pareil carnage : j’ai vu l’appareil sanglant de ces têtes mutilées, soldées froidement par un employé public, M. S… R…, chargé depuis de la direction d’un de nos établissements d’outre-mer.

Lorsque, dans les colonies, on a recours aux prétendues voies légales contre l’esclave fugitif, l’exécuteur des hautes œuvres lui coupe le jarret, excellent moyen, il faut en convenir, pour l’empêcher de fuir de nouveau. Quelquefois on leur coupe juridiquement le nez ou les oreilles, un bras ou une jambe qu’on suspend à la potence pour les exposer aux regards du public. Souvent on pend ces infortunés sous prétexte qu’en fuyant ils ont voulu ravir à leur maître le prix de leur valeur. Pour rendre cette scène plus