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— Les affaires avant tout, « business first », dit la jeune fille.

— « First », oui, et ensuite ?

— Ensuite, ensuite… il est trop tôt pour parler de ces choses-là.

Avec sa sensibilité de poète — et tout homme est toujours un peu poète, surtout quand il rencontre la poésie sur son chemin — Pierre était sous le charme ; même, en ce moment, où il avait à cœur une affaire très compliquée et qui pouvait être pleine de conséquences, il aurait tout abandonné pour l’amitié de la jolie Américaine, si celle-ci n’en avait pas été si avare. Malheureusement pour le pauvre garçon, on lui répondait toujours : Plus tard, vous allez trop vite. Mais il reprenait courage et se remettait tout de suite à bâtir ses plans d’attaque — ou de défense, qui sait ? — contre le Dean et ses acolytes.

À cette heure, le pont était presque désert. C’était le temps de la toilette qui précède le dîner. Tout était silence, on n’entendait que de temps en temps de petits rires de jeunes filles enfermées en leurs cabines pour se pomponner, puis le bruit des couverts et de l’argenterie dans la grande salle à manger, les pas précipités des marmitons et des garçons de table passant et repassant dans le couloir étroit entre les cuisines et la salle. Pierre vit plusieurs fois son compagnon d’aventure lui faire signe de la main en disant :

— Tantôt !

— Notre héros avait hâte au dîner, non pas pour apaiser sa faim car l’incertitude, l’attente, et aussi la curiosité, lui ôtaient tout appétit. Il aurait consenti à passer deux jours sans manger pour sa-