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voir tout de suite ce que c’étaient que le Dean Polson, l’évêque, Ascot et son compagnon. Enfin le gong retentit encore une fois et la foule afflua dans le passage. C’était un fouillis de robes claires et d’habits noirs. Comme la mer était redevenue calme, la gaieté était redevenue bruyante, et il n’y a rien de gai et d’amusant comme la vie à bord, quand la vague n’est pas trop mauvaise. La bruit, à table, était assourdissant. Depuis quinze jours que le bateau était parti, les groupes s’étaient forcément dessinés et si la sympathie n’avait pas eu grand’chose à faire là-dedans, le besoin de causer pendant le repas y avait suppléé. Des gens qui ne s’étaient jamais vus avant d’avoir pris passage à bord du « City of Lisbon », s’interpellaient, se parlaient, se souriaient maintenant comme de vieux amis. Je ne sais pas si, comme le dit l’Écriture, il n’est pas bon que l’homme soit seul ; en tous cas, il n’aime pas à être seul, et pour ne pas rester seul, il se lie facilement avec ceux qu’il rencontre sur son chemin. Il ne faudrait pas en dire autant de tout le monde, surtout de ceux que la vie intérieure ou des goûts raffinés tiennent dans la solitude ou du moins loin du vulgaire.

Dolbret devenait de plus en plus un de ceux-là ; sa tendance à s’abandonner, à se confier, l’avait trop mal servi pour qu’il ne devînt pas défiant. Du reste, les amis ou quasi-amis qu’il s’était faits lui suffisaient, et ils auraient suffi à n’importe qui, car c’étaient des cœurs dévoués et nobles.

Pierre avait comme vis-à-vis le Finlandais Wigelius et, à sa droite, Stenson. À l’autre bout de la deuxième table, au grand bout, se tenait toujours l’évêque, majestueux et grave. À son côté,