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constitua le colonel Dennis « Conservateur de la paix », avec pouvoir de lever des troupes afin « d’attaquer, d’arrêter, de désarmer et de disperser » les métis français, « de livrer assaut, de tirer sur, démolir ou enfoncer tout fort, toute maison », etc., où il pourrait les trouver ! La paix qu’il préconisait par là ne semble-t-elle pas d’un genre quelque peu nouveau ?

Heureusement la population anglaise, en dehors des meneurs venus du Canada, se montra généralement assez tiède pour la cause du soi-disant gouverneur. Dennis n’épargna pourtant pas ses peines, et, à l’aide de la fameuse proclamation à la validité de laquelle on crut d’abord, il parvint à faire quelque impression sur les fermiers écossais, bien qu’il leur répugnât excessivement d’attaquer des gens avec lesquels ils avaient toujours vécu dans la plus parfaite harmonie.



Pendant qu’il s’efforçait de soudoyer les anciens habitants de la colonie, le Dr Schultz et une centaine de Canadiens-Anglais du village de Winnipeg, qui s’étaient formés en corps militaire pour attaquer Riel et ses métis, prenaient prétexte d’un certain dépôt de lard envoyé par le Canada aux ouvriers du chemin Dawson pour se rassembler et attirer à eux les membres du groupe qui s’appelait modestement « loyal », et servir en même temps de menace permanente à la garnison du fort Garry situé tout à côté.

Il est avéré aujourd’hui que leur but principal était de provoquer une collision à main armée entre les deux partis et par là forcer les Écossais à se soulever contre Riel. Pareille intention semble si odieusement criminelle qu’on y croirait à peine si l’un de ces Canadiens-Anglais ne l’avait implicitement avouée dans une lettre à son chef, McDougall. « Si on contrecarre nos plans », écrivait un M. D.-A. Grant, « nous défendrons les provisions et les enlèverons malgré n’importe qui. Cela aura peut-être pour résultat de hâter les événements, (of precipitating matters[1]) ».

Ils s’étaient barricadés dans la maison de Schultz qui contenait ces barils de lard, et ils se vantaient de l’avoir mise en état de soutenir un siège avec les 65 pièces d’armes dont ils étaient munis. C’était créer pour Riel une position délicate. « Nous som-

  1. The Creation of Manitoba, p. 101. Voir aussi p. 142.