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Mais, ma mère, vous êtes vengée.

Chaque nuit, après que j’eus cessé de remplir mes promesses, elle m’apparaissait, et de son doigt menaçant me montrait le gouffre où j’allais me précipiter aussi aveuglément. Je sentais parfois ses lèvres froides me toucher au front comme dans le baiser suprême qu’elle me donna sur son lit de mort. J’étais glacé d’épouvante, car cela me rappelait le serment oublié.

Cauchemar épouvantable qui a établi son domicile au chevet de mon lit et qui chaque nuit se présente toujours plus terrible et plus vengeur.

Ici, dit le père Michel, Béland s’arrêta : il pleurait. J’étais aussi ému que lui. Il resta quelques instants silencieux, puis il reprit :

Ma mère mourut le lendemain. Après lui avoir rendu les derniers devoirs, je me mis à arranger mes affaires. J’étais riche ; je pouvais vivre sans travailler. À quoi bon alors, aller me casser la tête à apprendre les mathématiques, la philosophie, etc. Des amis, étaient-ce bien des amis ? me conseillèrent de rester dans le monde. Peu disposé au travail, par nature, je me décidai bientôt à suivre leurs conseils.

Ce fut ma première faute.

Ne connaissant pas la valeur de l’argent, je me livrai à des dépenses extravagantes. Je fis de nou-