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rents. Les fouets en étaient rougis ; mes bourreaux en avaient sur la figure ; leurs mains en étaient teintes.

Encouragés par les gardiens brutaux, qui répétaient leur misérable encore, mes bourreaux frappaient, frappaient sans cesse.

Tu n’avais plus de peau sur le dos, me dirent mes compagnons après le supplice, et nous voyions à chaque nouveau coup de fouet, un morceau de chair se détacher de ton corps et aller tomber sur tes bourreaux.

Je ne perdis pas connaissance, cependant, mais, lorsqu’après avoir eu frappé les cent vingt coups, on vint me détacher, on dut me transporter, car, je ne pouvais plus bouger.

Au lieu de me faire soigner, l’on me jeta de nouveau dans un cachot, car j’avais un mois de détention particulière, si je puis m’exprimer ainsi, en outre des cent vingt coups de fouet. Je dus revêtir une chemise de grosse toile qu’on me donna. Ce linge grossier s’attachant à la plaie vive, me causait des douleurs impossibles à décrire.

Au lieu de revenir à de bons sentiments, je perdis le peu de bonté qui me restait ; dès que je pus articuler une parole, ce fut pour blasphémer contre Dieu, ses saints et l’humanité toute entière.