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LE VAMPIRE

— Oui, pour Dieu, monsieur Flack, surveillez-le. Sait-il seulement où il va ?… Il souffre tant, le pauvre homme !

Jean-Baptiste Flack serra les mains de Madeleine avec force et il partit sur les traces du Docteur-Noir.

Celui-ci se dirigeait vers l’hôtel du baron de Cénac…

Tout à coup, il rebroussa chemin et revint dans la direction du Châtelet.

— J’ai promis à ce malheureux grand-père de retrouver son enfant Lydia… que les soldats ont emporté après avoir massacré les parents. Je vais tout d’abord m’informer à l’Assistance publique… C’est bien inutile, mais pourquoi ne pas tenter la chance, quelque faible qu’elle soit ?

Le Docteur-Noir s’arrêta avenue Victoria.

— Me voici rendu, fît-il.

À quelques pas, derrière un arbre, Jean-Baptisle Flack regardait son maître.

Le médecin monta rapidement jusqu’à un bureau où il entra avec une sorte d’hésitation.

C’était là que les mères, les parents, les sages-femmes, ou même les personnes indifférentes venaient déposer leurs enfants ou les enfants des autres.

La pièce était triste et nue. Une partie, garnie de bancs, était occupée par le public, et l’autre, séparée par des planches en chêne, servait à l’administration de l’Assistance publique.

Dès l’abord, le Docteur-Noir vit des femmes portant des bébés qui pleuraient ou dormaient. Quelques-uns de ces pauvres petits êtres tétaient leur mère pour la dernière fois.

Il y avait foule, pour ainsi dire. On était à l’entrée de l’hiver. La misère poussait bien des parents vers cette antichambre des Enfants-Trouvés.

Le Docteur-Noir détourna la tête de ce spectacle navrant.

Un employé rogue et insolent, pressé de terminer sa tâche, enregistrait les enfants abandonnés, brusquant les malheureuses qui lui parlaient en tremblant, avec des sanglots dans la voix.

Il écrivait en maugréant.

— Voyons ! un peu de silence, n’est-ce pas ?… Assez de pleurnicheries… Si vous aviez eu plus de conduite… Allons ! à qui le tour ?

Et il reprenait, toujours de mauvaise humeurs

— Nous la connaissons, l’histoire… On vient à Paris croyant que les alouettes vous tombent toutes rôties dans le bec… Ah ! oui-dà !… Et puis, qu’est-ce qui arrive ? On se laisse enjôler par un joli paltoquet… Crac ! on attrape un gosse… On est seule… On geint, on crie famine… Et puis, fin finale, on apporte l’objet ici… Fallait pas rigoler… Parbleu I ça se paie… Ah ! c’est fini… C’est pas malheureux… Plus personne ?