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LES MYSTÈRES DU CRIME

— Le magasin vous est ouvert… Disposez de tout en maître.

Et Sacrais, confondu d’étonnement et persuadé de la véracité du récit imaginé par Caudirol, ouvrit respectueusement une porte…

— C’est ici… dit-il, en s’effaçant devant son chef.

Caudirol entra dans une pièce entièrement remplie de vêtements de toute sorte.

— Vous n’avez qu’à choisir, dit encore Sacrais. Mais si vous m’en croyez, vous me permettrez de vous tailler les cheveux à mon idée et de vous les changer de couleur. Je ne comprends pas que vous ayez eu l’imprudence de ne pas vous grimer après votre coup !

Caudirol ne voulut pas avouer qu’il était à court d’argent et qu’il n’avait pu jusqu’à ce jour se payer le luxe d’un changement de vêtements. Il avait épuisé la plus grande partie de ses ressources en achetant le manteau dont il était recouvert.

Il s’assit et laissa Sacrais agir à sa guise.

Celui-ci, adroit comme un coiffeur de profession, lui coupa les cheveux. Il mit, avec un pinceau, de la gomme humide à l’endroit de la tonsure et fit retomber quelques mèches sur le rond dénudé qui pouvait trahir le défroqué.

Cela fait, il chercha dans un placard, non sans quelque hésitation.

— Que diriez-vous d’une jolie paire de moustaches châtain-clair ? demanda-t-il.

— Va pour les moustaches, dit Caudirol en souriant. Tiens, mais que vois-je là-bas ?

— Ah ! ah ! c’est votre costume de missionnaire et votre fausse barbe, toute votre défroque d’hier au soir… J’ai remisé ça pour servir encore à l’occasion. C’est égal, vous avez bien roulé l’aumônier de la Roquette. Quelle andouille ! Il est vrai que vous êtes un maître.

Tout en causant, Sacrais adaptait à Caudirol une paire de moustaches postiches.

— Voilà qui vous va à ravir, fit-il en se reculant un peu pour mieux contempler son œuvre.

— Mais les cheveux ?

— Nous allons les teindre de la même couleur.

Et il se mit en devoir de badigeonner en châtain-clair, les cheveux noirs de Caudirol.

Il parlait en accomplissant ce travail.

— Voyez-vous, disait-il avec conviction, c’est, tout ce qu’il y a de bon comme teinture. Ce n’est pas de la graisse, non, c’est à base de nitrate d’argent. C’est mauvais pour faire pousser une perruque à un homme qui n’a pas les cheveux épais. Mais, pour vous, c’est inoffensif… Là, c’est terminé. Vous êtes coiffé à la dernière mode.