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LES MYSTÈRES DU CRIME

Comme pour achever de l’anéantir, la porte cochère s’ébranla de nouveau sous plusieurs coups frappés avec force.

C’était la police !

Épuisé par tant de secousses morales, le prêtre écoutait anxieusement…

— Au nom de la loi, ouvrez ! fit une voix au dehors.


CHAPITRE VI

L’hérédité


Arrivés à cet endroit de notre récit, nous éprouvons le besoin de nous justifier du reproche d’invraisemblance. Certes, il existe des monstres comme celui que nous dépeignons dans ces pages rapides, et plus d’une de ces têtes affreusement organisées pour le mal a roulé dans le panier de la guillotine !

La misère et les circonstances produisent bon nombre de malfaiteurs ; mais il en est d’autres qui, naturellement, par suite de leur tempérament ou d’une effrayante hérédité, dépassant tout ce que l’imagination peut rêver de plus hideux.

Ceux qui ont, profondément, la passion de la femelle — nous ne dirons pas de la femme — ont en eux, latente, la folie du meurtre. Elle couve longtemps, mais finit par éclater, si l’occasion se présente.

La chair implique le sang.

Caudirol était un de ces prédestinés du crime si l’on en juge par les antécédents de sa famille.

Nous allons déchirer le voile qui couvre le mystère de sa naissance et de son passé, et nous trouverons la justification de cette thèse physiologique.

Pour cela, nous demanderons au lecteur de nous permettre de remonter en arrière pendant quelques instants. On ne regrettera pas cette digression, qui montrera le chemin parcouru par l’infernal Caudirol pour arriver à commettre ses effroyables assassinats…

En 18…, longtemps avant les évènements que nous avons retracés, dans un château situé aux environs de Nantes, vivait la duchesse de Lormières, dont le mari avait été guillotiné pendant la Terreur pour conspiration avec l’étranger. Lors de la chute du gouvernement révolutionnaire, pendant la réaction thermidorienne, la duchesse, qui s’était enfuie dès le début de la révolution, revint se fixer dans ses domaines, devenus biens nationaux, mais qui avaient été rachetés par un ami fidèle à sa maison. Grâce à ce subterfuge, elle put rentrer en possession de toutes ses propriétés et reconstituer sa fortune.

Un ancien braconnier, du nom de Caudirol, tel était le serviteur dévoué qui avait acquis le domaine de la famille de Lormières pour le rendre plus tard à ses maîtres. C’était un homme violent, musculeux, d’une puissance herculéenne et dont l’esprit indomptable n’avait jamais fléchi que devant le duc de Lormières, qui avait été son bienfaiteur dans une circonstance grave : Caudirol allait être jugé pour quelque méfait, quand ce seigneur lui avait fait grâce et l’avait attaché à sa personne. Le braconnier reconnaissant s’était acquitté envers son maître en se chargeant et menant à bien des commissions qui demandaient plus d’adresse que de scrupules.

En dernier lieu, comme nous l’avons dit, il avait restitué à madame de Lormières ses anciens domaines. Mais, la duchesse finit, à la longue, par oublier cet immense service. Quelques années après, elle congédia Caudirol en lui donnant une année de gages d’avance pour prix de son dévouement. Elle détestait cet homme brutal qui lui parlait presque sur le ton de l’égalité. D’ailleurs, endoctrinée par son confesseur, elle oubliait facilement le dévouement que le rude aventurier lui avait témoigné : mal lui en advint.