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LES MYSTÈRES DU CRIME

elle n’hésita plus à faire une dénonciation en bonne forme au vicaire-général.

Elle fut immédiatement saisie et enfermée comme folle.

Mais la vie scandaleuse du jeune prêtre, racontée de bouche en bouche, avec force détails et exagérations, eut un certain retentissement, malgré les peines infinies qu’on prit pour détourner l’attention publique. Néanmoins, favorisé par la maîtresse d’un haut prélat, il obtint son transfert à Paris, au lieu de subir une peine disciplinaire.

C’est lui qui, bientôt après, devait officier à l’église Saint-Roch.

À Paris, il s’était installé comme nous l’avons vu et, parfaitement indépendant, il pouvait, en s’habillant en bourgeois, s’adonner au vice et satisfaire ses passions.

Le petit-fils du contrebandier Caudirol et de la duchesse de Lormières était devenu le monstrueux tueur de femmes que nous avons vu à l’œuvre et qui, à cet instant de notre récit, tremble en écoutant les coups qui ébranlent la porte de sa maison.


CHAPITRE VII

Le mari


Comment le double assassinât de la Pitchounette et de la baronne de Cénac, commis par l’abbé Caudirol, avait-il pu être découvert ? D’autre part, si le drame qui venait de se dérouler était resté ignoré, l’arrivée d’un commissaire accompagné de ses agents devenait inexplicable.

Il y avait là un mystère…

Voici ce qui s’était passé :

La veille, monsieur de Cénac se rendait comme d’habitude au Palais-Bourbon, et traversait les couloirs de la Chambre, lorsqu’il entendit prononcer son nom dans une conversation.

Sans être vu de ses collègues, il resta à l’entrée du vestiaire et se mit à écouter…

— Alors, disait-on, vous croyez que ce pauvre Cénac est malheureux en ménage ?

— Malheureux ?… Je l’ignore, car on peut parfaitement être trompé et demeurer en pleine béatitude ; mais ce que tout le monde dit, ce qui est certain, c’est que notre ami est cocu, tout ce qu’il y a de plus cocu… Passez-moi l’expression : il est archi-cocu !

— Le sait-il ?

— Non, sans doute. Le collègue n’est pas philosophe et il n’aurait pas pris la chose comme cela, en douceur, nous aurions assisté à quelque éclat.

— Mais, dites donc, ce serait déplorable pour notre parti. Un scandale semblable aurait un retentissement inouï… ce serait le comble du ridicule…

— D’autant plus, que le rival de ce bon Cénac est, paraît-il, un député de la majorité. C’est déjà suffisant d’être battu en politique sans l’être encore dans son ménage.

— Cependant, il est vraisemblable que le baron de Cénac ne restera pas toujours ignorant de son triste sort. Chacun commence à le tourner en dérision.

— C’est vrai, mais vous savez… le mari est toujours le dernier à savoir sa mésaventure.

— Ne vous y fiez pas. Il y a des gens charitables qui se feront un plaisir de lui mettre la puce à l’oreille.

— Si ce n’était que cela !

— Messieurs, interrompit un ami du baron de Cénac, la plaisanterie est de mauvais goût et, de plus, dangereuse. Ce n’est pas à nous qu’il appartient de se divertir aux dépens d’un fidèle défenseur de la monarchie. D’ailleurs, il est bien inutile de colporter cette nouvelle de côté et d’autre. Savons-nous seulement si elle est exacte ? Pourrions-nous dire sur quoi repose ce prétendu adultère ?

— Sur un oreiller, monsieur l’incrédule, sur un doux et moelleux oreiller.

— C’est trop fort, en vérité. Tenez,