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LES MYSTÈRES DU CRIME

Celui-ci, suivant sa coutume, mais malgré tous les règlements préfectoraux, amenait des femmes de mœurs légères, chez lui, dans la prison même.

Il faillit être pris en flagrant délit.

Heureusement pour M. Cuplat, le galant directeur, il se trouva qu’un de ses subordonnés se mit en son lieu et place.

Bonnasse, le garde du Père-Lachaise, dont nous parlons, qui était à cette époque brigadier de prison, déclara que les dames bruyantes qui passaient la nuit dans la maison de détention étaient… ses visiteuses.

La chose avait produit du scandale dans le quartier, où M. Cuplat se faisait détester par sa morgue et sa révoltante imbécilité.

En conséquence, le brigadier Bonnasse fut révoqué.

On se demanda bien si M. Cuplat n’avait point payé son brigadier pour se substituer à lui, comme gérant-responsable de ses fredaines, mais les suppositions ne reposaient sûr aucune preuve évidente.

Bonnasse, protégé dans sa disgrâce par un personnage anonyme, fut nommé garde du cimetière du Père-Lachaise après un stage qui dura peu de temps.

L’ancien brigadier, devenu portier du champ de repos, disait plaisamment qu’il n’avait fait que changer de prisonniers ; il ajoutait que les morts avaient sur les détenus cet immense avantage qu’ils ne s’évadaient jamais.

On juge quelle devait être la surveillance du Père-Lachaise sous sa direction.

— Que les morts fassent comme moi, qu’ils dorment I s’écriait-il, et tout ira bien.

Une lettre vint inopinément déranger sa douée quiétude.

M. Cuplat, son ancien directeur, lui faisait savoir que, eu égard à ses excellents services passés, il viendrait, sous forme de remerciements, lui demander à souper avec une dame de sa connaissance au cimetière.

Il est bon de dire que, toujours et partout, M. Cuplat, le fonctionnaire célibataire, traînait avec lui des spécimens peu recommandables du beau sexe.

Le jour, il était farouche vis-à-vis de ses prisonniers ; mais, le soir venu, il cherchait sur tous les trottoirs une compagne facile.

Il fit son entrée chez son ancien brigadier avec une demoiselle dont il venait de faire la connaissance depuis peu.

M. Cuplat avait au plus haut point de respect de son importance.

— Bonsoir, mon ami, fit-il d’un ton de supériorité débonnaire.

— Mais entrez donc, M. Cuplat… et vous, Madame, repartit Bonnasse, enchanté de la faveur insigne qu’il recevait.

— Oh ! c’est un beau jour pour moi, ajouta-t-il.