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LES MYSTÈRES DU CRIME

Puis un fils lui était né. Il avait reporté ses mauvais traitements sur cet enfant. Celui-ci avait grandi dans la haine de son père et, arrivé à l’adolescence, il s’était enfui.

Le malheureux, livré à ses instincts et poussé au mal par la misère, s’était fait bandit. Il avait péri sur l’échafaud condamné à la peine capitale sous le surnom de Général des Carrières.

Le président avait eu l’infamie d’assister à cette exécution.

Privé de son souffre-douleur ordinaire, il avait fait endurer le martyre à sa pauvre femme. Deux enfants étaient nés cependant de cette union si peu assortie : Georges et Julie…

Mme Bartier s’était laissée aller un instant à un sentiment d’amour véritable. Elle avait aimé son beau-frère, Lucien Bartier, autrement dit le Docteur-Noir.

Georges était le fruit de cette faute. Cela explique pourquoi l’enfant était si peu fait à la ressemblance du président. Autant celui-ci était violent et mauvais, autant le jeune homme était doux et bon.

Quant à Julie, elle semblait être le portrait vivant de son père. Au moral, son air de résignation triste rappelait plutôt sa mère.

Le magistrat, après avoir hypocritement suivi le cercueil de sa femme au cimetière, était rentré chez lui et avait fait maison nette.

Il n’avait conservé pour tout domestique qu’une vieille bonne et son valet de chambre, garçon inoffensif et craintif, qui lui obéissait sans réflexion, avec l’inconscience d’un caniche.

Depuis la mort de sa femme, il prenait ses repas dans un restaurant des boulevards.

Georges et Julie vivaient ainsi à l’abandon.

Le frère et la sœur prenaient ensemble leurs leçons qu’un maître ennuyeux et rude, choisi par le président, venait leur donner.

Ils ne voyaient plus leur père que le soir.

Sa rentrée glaçait les jeunes gens d’épouvante. D’ailleurs le président, fidèle à ses anciennes habitudes, se vengeait toujours sur Georges de ses ennuis et de ses tracas.

C’est sur le pauvre enfant qu’il passait à présent ses mauvaises humeur.

Il éprouvait une satisfaction cruelle à voir les humiliations du malheureux Georges.

Le sentiment de la paternité n’avait jamais existé chez ce monstre égoïste et sournois…

Ce qui résulta de ces violences, on le devine, ce fut le départ de Georges. Mais sans amis, sans ressources, il ne pouvait subsister dans Paris. Une nuit, on l’arrêta, et après une journée passée au Dépôt, il fut traduit en correctionnelle pour vagabondage.