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LE DOCTEUR-NOIR

Il éprouvait avec une telle intensité le besoin d’assouvir le désir enragé qui le secouait que sa raison s’en allait.

Un tourbillon de pensées folles le transportait dans un autre monde.

Pour lui l’inceste devenait une poésie… Le père et la fille unis lui semblaient un but dans la vie.

Et, disons-nous, il croyait que Julie devait, en cet instant même, partager les ardeurs épouvantables qui le plongeaient dans le délire de la passion.

Elle aussi, pensait-il, devait ressentir un grand besoin de se donner,

Ce monomane attribuait à la pauvre fille à peine nubile des idées qui ne peuvent naître que chez une nature blasée et corrompue à l’excès.

Julie entra dans son cabinet de toilette et prit une cuvette qu’elle déposa à terre après l’avoir remplie d’eau.

Son père, affolé, en nage, horrible, saoûl de volupté contenue, se cramponnait au rideau qui recouvrait les robes de sa fille…

Celle-ci s’était baissée.

À travers l’étoile légère, il la voyait se livrer à sa toilette de nuit.

Il ferma les yeux convulsivement.

Son visage se collait sur les vêtements imprégnés de l’odeur de la jeune fille. Il buvait à longs traits les émanations capiteuses qui s’en dégageaient.

Il flairait avec une ivresse sans pareille les corsages, cherchant les endroits que la sueur avait brûlés.

Julie quitta le cabinet.

Il était temps !

L’effroyable satyre sentait ses oreilles bourdonner… Il allait se jeter sur sa proie.

À peine la jeune fille eut-elle quitté le réduit que le juge reprit son poste d’observation contre la cloison.

Elle dégrafait son corset. Ses jupes étaient retombées sous elle. Elle n’avait plus pour vêtement que sa chemise de toile fine.

Isidore Bartier savourait ce spectacle.

Il jouissait des moindres détails de ce tableau charmant. Les poses pleines de pudeur de sa fille, son air calme et honnête, tout cela, au lieu d’apaiser sa sensualité, exaspérait sa fureur.

La cloison pliait sous la poussée du satyre.

À un moment donné, le président sembla vouloir bondir dans la chambre.

Sa fille s’était assise sur le rebord d’une chaise et les Jambes l’une sur l’autre, elle déboutonnait ses bottines…

L’ignoble personnage épiait les nudités furtives qui se dessinaient à chaque mouvement de la pauvre enfant.

Il regardait avec une sorte de frénésie les bas blancs, bien tirés et retenus au-dessus du genou par des jarretières bleues…