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LES MYSTÈRES DU CRIME

Entièrement dépaysé et ne sachant où frapper, surtout à pareille heure, le magistrat redescendait l’escalier, non sans une certaine confusion…

Des portes s’ouvrirent au-dessus de lui, et il allait remonter quand il entendit l’appel de M. de Cénac.

Pressentant quelque malheur, il fit signe à ses agents, et se précipita dehors juste au moment où le baron faisait entendre son dernier cri…

Le prêtre s’enfuyait avec une rapidité vertigineuse…

Les agents, le serrurier, et plusieurs personnes qui accouraient, se jetèrent sur ses traces.

Le commissaire de police, aidé de quelques passants, fit transporter le corps de M. de Cénac chez un pharmacien du voisinage…

Celui-ci, bientôt tiré de son sommeil, examina le malheureux avec attention… Il regarda le commissaire en secouant la tête.

— Mort ? demanda-t-on.

— Non, mais c’est tout comme… État désespéré… Cependant il respire… Laissez-le ici, 11 y a un médecin dans la maison…

On retourna rue des Gravilliers. La maison était gardée par de nombreux gardiens de la paix. Maintenant il y avait foule. Hommes et femmes à demi-vêtus étaient là, le cou tendu, regardant la fenêtre du premier étage. On entendait un vague murmure, des chuchottements, des bâillements étouffés.

Il faisait froid, mais la curiosité fixait sur place tout ce monde. On attendait…

Le commissaire, suivi de quelques personnes, monta au premier étage. Il fit enfoncer la porte et pénétra dans l’appartement.

Parvenu dans la chambre à coucher, il s’arrêta sur le seuil, muet d’effroi, devant l’épouvantable tableau qui s’offrait à sa vue…

La pièce était dans le plus grand désordre, les meubles étaient renversés ou brisés…

Et devant te lit, couché en travers du tapis, le corps de la baronne de Cénac, gisait absolument nu, les cuisses écartées…

Plus loin, la Pitchounette, que le prêtre avait laissé choir, était renversée devant la cheminée ; sa tête se consumait dans le foyer ou elle avait roulé et formait une bouillie hideuse dont l’odeur nauséabonde empoisonnait l’air.

Bien qu’habitué aux scènes les plus effrayantes par les nécessités de ses fonctions, le magistrat recula, et se tournant vers les personnes qui restaient pétrifiées à côté de lui, il joignit les mains en murmurant avec horreur :

— Oh ! le monstre ! le monstre !…

En bas, la foule avait forcé la consigne et, entraînant les agents avec elle, était montée à son tour. On se bousculait pour voir et après on s’enfuyait glacé d’effroi, se demandant si ce n’était pas un horrible cauchemar.

— Où est l’assassin ?… Arrêtez-le ! criait-on en courant dans la direction qu’il avait prise.

La poursuite se continuait, dans les ruelles qui avoisinent l’Hôtel de Ville. Le prêtre semblait avoir des ailes. Il s’échappait avec une vitesse prodigieuse, évitant tous les obstacles…

Mais sur son passage il rencontrait des agents, des passants attardés qui se lançaient après lui. Il s’épuisait et ses jambes commençaient à faiblir. Ses bonds énormes qui lui donnaient rapidement de l’avance menaçaient de le renverser au moindre faux pas.

Enfin, au détour d’une rue il fut assailli par plusieurs hommes. Il fit un suprême effort et parvint à distancer ceux qui allaient l’atteindre, mais ses forces l’abandonnaient. Il eut recours à sa dernière ressource.

Il se retourna et fit feu des deux coups de son pistolet qu’il n’avait pas lâché.

Une panique se produisit et le désarroi