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LES MYSTÈRES DU CRIME

Il passa à un autre :

— Vous avez regardé le greffier de travers, quand il enregistrait votre écrou ?

— Monsieur, je louche, c’est dans ma nature.

— Et il est dans la mienne de vous donner cinq jours de cachot.

Cette espèce de jugement sans appel qui s’appelle le rapport, se poursuivit de la sorte jusqu’à la fin.

Il ne restait plus qu’un détenu à expédier.

— Et celui-là ? interrogea M. Cuplat, voyant qu’aucun surveillant ne venait déposer contre lui.

— C’est M. Ventron, l’aumônier, qui vous l’envoie.

— Est-il là ?

— Oui, monsieur le directeur.

— Faites-le entrer.

L’abbé Ventron était un gros homme réjoui…

Il entra dans le cabinet en hochant la tête.

— Hé ! hé ! voilà mon sacristain… Monsieur le directeur, ce gaillard-là m’a vidé mes burettes.

— Il a bu le vin de la messe ?

— Oh ! mais sans en laisser une goutte… De sorte que j’ai communié à sec.

— Cinq jours de cachot… Si je pouvais faire plus ce serait avec plaisir.

— Mon Dieu, ça suffit.

La sacristain s’en fut la tête basse.

L’abbé Ventron se tourna vers Jean-Baptiste Flack :

— Ce gamin est condamné pour outrages aux mœurs. C’est pour cela que je l’ai choisi de préférence. En général ceux qui viennent ici pour ces sortes de délit ont reçu une éducation religieuse. Je m’entends bien avec eux. Mais, vous voyez, patatrac ! À qui se fier désormais !

Il regarda l’heure à sa montre.

— Voici le moment de déjeuner… Quel dommage d’être seul… Je ne nange bien qu’en compagnie.

— Vous êtes un gourmet, je crois ? remarqua M. Cuplat.

— Heu ! heu ! et vous ?

— Moi, s’écria le directeur, je vis suivant les circonstances. Je n’ai jamais eu tant de bonheur que lorsque j’étais dans l’armée, et cependant je mangeais du foin.

— Vous avez mangé du foin ? répéta curieusement l’abbé Ventron*.

— Absolument, et je n’en suis pas plus bête pour cela.

Jean-Baptiste Flack fit un signe de tête approbateur.